lundi 12 janvier 2009

"MARKETING DE L'ART AFRICAIN SUR INTERNET" - Par Papa Oumar FAll

Artiste par passion [1] et Linguiste de formation, j’interviens en tant qu’agent artistique auprès de jeunes talents sénégalais que j’accompagne dans leur recherche de débouchés et dans la promotion de leur production. « Le Marché de l’art [en Afrique] du fait de sa nature informelle et de sa faiblesse économique ne permet pas aux créateurs de biens esthétiques d’écouler convenablement leur production.[…] Les supports traditionnels (galeries d’art, boutiques d’antiquité, foires...) ont montré leur limite dans la promotion des arts et des cultures en Afrique. Le problème de la diffusion reste entier. » [2] C’est à ce titre que j’ai pensé que le Marketing de l’art africain sur Internet peut constituer, par la création de galeries virtuelles et de press-book électroniques, une réponse novatrice et efficace pouvant participer à sortir les créateurs et acteurs culturels africains de l’impasse d’un isolement infécond et du déficit communicationnel.



Si l’on examine attentivement le système culturel sénégalais et africain de manière générale, on constate une difficulté majeure: la gestion de la circulation et de la diffusion des œuvres de l’esprit. Créer est une chose; savoir valoriser ce qu’on a créé en est une autre qui pose problème en Afrique. En effet, les créateurs africains rencontrent d’énormes difficultés pour accéder aux infrastructures de diffusion. Le cas surréaliste du Sénégal, ce que nous nous permettons même d’appeler « le paradoxe infrastructurel sénégalais », l’illustre. Au pays de Léopold Sédar Senghor où il existe suffisamment d’infrastructures culturelles aptes à garantir cette circulation et cette diffusion (déplorées plus haut), pourtant une grande majorité de créateurs, désemparés, exposent leurs œuvres dans des espaces inadaptés. Par exemple, de plus en plus de jeunes talents sénégalais, ne pouvant s’acquitter de la location très coûteuse d’une salle d’exposition telle que la Galerie nationale ou le Musée Théodore Monod (ex-Musée de l’IFAN) de Dakar, exhibent leurs œuvres dans les rues de la capitale sénégalaise (sur la voie publique!) ou dans des endroits enclavés et/ou non aménagés. Une véritable anarchie !



En Afrique, la désolation économique est un facteur très handicapant dans le domaine de la création artistique où elle agit comme un éteignoir sur l’imagination et la capacité d’innovation de nos créateurs. Ces derniers, plongés dans un environnement d’extrême pauvreté, rencontrent toutes les difficultés du monde pour ne serait-ce que acquérir le matériel nécessaire à leur production; ils sont souvent contraints d’adapter leur créativité aux moyens dérisoires dont ils disposent et aux besoins d’un public qui devient de moins en moins exigeant. Résultat, la qualité du patrimoine artistique contemporain en est affectée. Une réforme de la gestion du secteur culturel consisterait à faire des créateurs de biens esthétiques de véritables acteurs du développement (par exemple en leur facilitant l’accès au crédit et au financement, en leur permettant de relever le défi de la formation en gestion et en communication … bref en les responsabilisant). Et cela passe inévitablement, du moins dans un premier temps, par une évaluation exhaustive de leur apport économique réel et potentiel.



Si l’on se penche mieux sur le secteur de l’artisanat, on constate que les copies des œuvres du patrimoine statuaire traditionnel, dépouillées de leur âme, se vendent mieux que les chefs-d’œuvre des artistes contemporains africain ! A noter toutefois en passant un atout de taille du secteur artisanal (en dépit des difficultés existantes) : il est assez bien structuré et dispose de moyens organisationnels très efficaces (Village artisanal, Chambre des métiers ...) et de sources financières fonctionnelles. Cela n’empêche que les friands acquéreurs en provenance des pays du Nord déterminent le marché et se procurent, le plus souvent à bon marché, des œuvres de qualité qui disparaissent sans laisser de traces. Un enrichissement (sauvage !) considérable se fait ainsi sur le dos des artistes et des artisans.



La production artistique contemporaine africaine est aussi souvent étouffée par le manque de moyens adéquats pouvant permettre d’asseoir une bonne politique de communication et d’écoulement des produits culturels. Ceci pourrait expliquer sans pour autant justifier le fait que, tout naturellement, la plupart du temps, les artistes et les artisans soient souvent tentés par l’exil [3] vers les pays occidentaux (zones de provenance des touristes, leur clientèle principale) où le travail artistique semble mieux valorisé. C’est en ce sens que le combat de l’information et de la diffusion du patrimoine culturel (matériel et immatériel) est un ultime passage nécessaire dans le processus de formalisation du secteur culturel. Cela nécessitera certes, un effort colossal et soutenu de valorisation, de marketing et de promotion au quotidien des productions et des expressions artistiques et culturelles africaines. Une modernisation des supports et des moyens de diffusion culturels serait un appoint important pour la création africaine. La confection d’une base de données numérique, entre autres, participerait à accroître les opportunités de valorisation, de présentation, de vente de la production des créateurs africains. La galerie virtuelle et les press-book électroniques, tout en permettant de susciter un intérêt nouveau pour l’art africain, assurent un marketing permanent et une promotion de proximité à nos créateurs.



La politique globale de re-valorisation du patrimoine culturel contemporain sera, par conséquent, orientée vers un objectif fondamental : mieux faire connaître les produits artistiques locaux en permettant aux créateurs de mieux exposer leurs démarches esthétiques afin de trouver des débouchés viables aussi bien au niveau local qu’international. La création de galeries virtuelles en Afrique, espaces d’expression et de médiation entre les différents acteurs culturels, va re-vitaliser (et à moindre coût !) le système culturel du continent. Les artistes et acteurs culturels de l’Afrique ne seront plus contraints de s’exiler vers l’Occident pour se faire connaître. La création de supports multimédia renforce la visibilité et facilite l’émergence des talents africains sur le plan local et international.


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NOTES


[1] Cf. STYLOCULTURE http://www.styloculture.org/


[2] FALL, P. O. « Les acteurs culturels africains dans la société de l’information », Dakar, journal Le Quotidien, 10 décembre 2003 (Cf. http://www.osiris.sn/article764.html ).


[3] La plupart des artistes africains connus et reconnus résident en Occident. C'est le cas des sénégalais Ousmane Sow (sculpteur) et Iba Ndiaye (peintre) … pour ne citer que ceux-là.



Par Papa Oumar FALL
Président de l'Association SEMEtt


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Site web perso.: STYLOCULTURE

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